Par Alice Verstraeten, Université Lyon II.
Bonjour à tous,
Ma fac (Lyon II) s'enfonce tous les jours un peu plus dans le mépris des étudiants et dans un logique policière qui m'inquiète profondément. Les médias ne nous suivent pas, ne relayent rien, s'auto censurent ou se font censurer.
Tout a commencé avec la Loi Pécresse de réforme des Universités, signée dans la précipitation cet été par le président de la fac, Monsieur Journès. Certains étudiants et enseignants s'opposent à cette loi. Les étudiants ont choisi le blocage de l'Université comme mode d'action. On peut être pour ou contre, je ne suis pas sûre que ce choix ai rendu service aux manifestants et à leur image mais aujourd'hui, à la limite, peu importe. On a, pour l'instant, dépassé ce débat.
Depuis quelques jours, le président de l'Université a fait appel aux "forces de l'ordre" : des vigiles privés, très jeunes, non asermentés, arrogants et dépassés par les événements, patrouillent dans la fac avec au bras un brassard orange marqué "sécurité". Ils apostrophent tout le monde, tutoient tout le monde, et nous demandent de justifier de notre présence dans l'Université en montrant notre carte "cumul" (une carte magnétique d'étudiant ou d'enseignant qui sert aussi de carte de bibliothèque et de carte... de paiement dans l'enceinte de la fac... ce qui, en soit, ne me plaît déjà pas beaucoup).
Il semble bon de rappeler qu'une Université est, selon la loi, un "établissement public à vocation scientifique et culturelle"...
Les étudiants qui manifestaient scandaient à l'encontre des vigiles, hier matin: "Voyous, racailles." Car certains d'entre eux s'amusent à retenir les étudiantes pour les draguer, d'autres en sont venus aux mains avec des étudiants de leur âge, une étudiante a été "étranglée" avec son écharpe pour qu'elle dégage un passage.
A l'entrée principale du campus de Bron, et rue Chevreul sur le campus des quais du Rhône, dès 7h30 le matin, tous les jours, les CRS arrivent pour déloger les étudiants qui protestent. 9 cars de CRS devant le campus de Bron, 9 cars de CRS devant le campus des quais de Rhône. Ils sont, régulièrement, soutenus par la gendarmerie mobile.
J'étais là, hier matin. Deux de mes étudiantes m'avaient dit avoir été "molestées" par les CRS la veille et voulaient que j'en sois témoin. Eh bien oui, ils les plaquent au sol, les jettent plus loin, les matraquent dans le ventre et sur la tête.
Sur les quais, hier, deux leaders syndicaux étudiants (un de Lyon 2, l'autre de Lyon 3) ont été désignés du doigt par des policiers en civil avant d'être poursuivis dans une rue adjacente par les CRS. Ce qui signifie, nous sommes d'accord, qu'un travail préalable "d'information" a été effectué et que ces arrestations sont ciblées pour détruire les mouvements syndicaux.
Les deux hommes sont en garde-à-vue et devraient être déférés à la Justice aujourd'hui même (donc : il existe désormais des comparutions immédiates pour les manifestants, vous serez prévenus). Dans un communiqué odieux et mensonger, la présidence de la fac dit qu'ils sont "extérieurs à l'Université" et que ces arrestations sont survenues après des troubles. Il n'y a pas eu de troubles autres que la manifestation pacifique, nous sommes plusieurs enseignants à en être témoins.
Un étudiant a été blessé et, une fois aux Urgences, a hérité de douze points de suture sur le crâne. Des étudiants ont été mis en joue au flashball.
Des policiers en civils sont toujours là, dont un homme sur mon campus : de "type méditerrannéen", il porte une grosse doudoune noire, un talkie walkie dans une poche, un appareil photo dans l'autre. Lui et ses camarades filment longuement les manifestants. S'ils ont effectivement été convoqués par le président de l'Université dans le seul but de permettre aux étudiants qui veulent suivre les cours d'entrer dans la fac, pourquoi filment-ils ? Doit-on ajouter la DGSE à la liste des membres du personnel de l'université ?
De notre côté, enseignants ou étudiants, ils nous empêchent un maximum de filmer. Ce qui siginifie que les images disponibles sur youtube et sur dailymotion ne sont pas à la hauteur de la réalité., Face à cette situation, plusieurs enseignants, dont je suis, ont refusé de faire cours. Je refuse d'entrer dans une fac investie de forces de police, de gendarmerie et de vigiles privés non asermentés. Je refuse de montrer des papiers d'identité pour me rendre sur mon lieu de travail. Je refuse de me faire bousculer par des CRS. Je refuse de me faire tutoyer avec mépris par des individus que je ne connais pas. Je refuse d'entendre un vigile insulter un de mes collègues (pourtant munis du sac en cuir typique de l'enseignant, pourtant plus honorable que moi dans l'allure avec ses cheveux blancs) en lui disant "J'vais t'fumer toi, j'vais t'fumer."
Nous ne sommes pas, que je sache, dans un état policier. Ou alors il faut nous le dire clairement, parce que cela signifie que les règles du jeu ont changé. Je croyais que l'on avait le droit de grève dans notre pays.
Je crois que ce qui m'inquiète le plus, c'est de recevoir des communiqués de la Présidence affirmant que la situation est désormais "normale".
SI CETTE SITUATION EST NORMALE, JE DEMISSIONNE.
D'autre part, pour permettre l'action des ces policiers, militaires et vigiles, toutes les sorties de sécurité sont bloquées. Certains enseignants et étudiants s'obstinent à faire cours dans une ambiance délétère et dangereuse. Ce qu'ils risquent purement et simplement, en cas d'incendie, c'est de brûler vifs dans des locaux qui sont déjà vétustes.
Je joins à ce message la "Lettre ouverte à la présidence de Lyon 2" rédigée par des enseignants (datée d'avant hier 5 décembre et déjà dépassée par les événements d'hier), ainsi que le dernier message de la présidence elle-même, pour que vous puissiez juger vous-même de la mauvaise foi, du mépris et des ronds de jambe du langage qui se banalisent dans notre environnement politique et médiatique.
Ce message est, bien sûr, à faire passer si vous en ressentez le besoin.
Alice Verstraeten,
7 décembre 2007
NB : lettres en commentaires de ce message.
2 commentaires:
Lettre ouverte au président de Lyon II
Publié dimanche 9 décembre 2007
Monsieur le Président,
Ne croyons pas que l’ouverture des locaux de l’université Lumière-Lyon 2 ait permis de rétablir une situation propice à une reprise normale du travail.
La présence policière aux abords de l’université, les contrôles d’identité aux portes d’entrée et les rondes de vigiles créent un climat de suspicion qui nuit au bon déroulement des enseignements.
La fermeture, à clé, des issues de secours, dans un lieu qui accueille du public, fait porter sur les épaules de la présidence, sur celles des enseignants et des personnels administratifs, une lourde responsabilité en cas d’accident.
Actuellement un grand nombre d’étudiants nous appelle de l’extérieur nous disant leur refus d’entrer dans l’université. Certains enseignants veulent faire valoir leur droit de retrait. Les salles de TD et d’amphi sont quasiment vides.
Pour permettre le prompt rétablissement des conditions propices à l’écoute et au respect mutuel :
nous exigeons, monsieur le président, la levée immédiate de ces mesures pour que nous puissions assurer notre mission d’enseignants chercheurs et que l’université demeure un établissement public à caractère scientifique et culturel ;
nous vous demandons aussi de vous engager, auprès de la commission pour la mise en place d’Etats généraux des universités et de la recherche, à lui apporter les moyens nécessaires à la poursuite de ses objectifs. Ces deux points permettraient de renouer le lien entre les différentes catégories d’acteurs et de faire en sorte que la mobilisation des étudiants pour le devenir de leur université ne leur apparaisse pas vaine.
Bien cordialement,
suivent 60 noms d’enseignantEs.
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Courrier de soutien à la lettre ouverte des enseignant.es de la Faculté d’anthropologie et de sociologie pour dénoncer la présence policière au sein de l’université
Monsieur le Président,
Nous sommes étudiants et étudiantes en Master 2 (recherche et professionnel) d’Anthropologie. Nous avons pris connaissance du courrier qui vous a été adressé par des enseignant.es de la Faculté d’anthropologie et de sociologie le 6 décembre 2007. Nous soutenons la position prise dans cette lettre ouverte et refusons la présence policière à l’université.
Etant en Master 2, nos cours à l’université sont, durant toute l’année, condensés sur une période allant de fin septembre à fin janvier, soit une durée de quatre mois. Par conséquent, nous sommes particulièrement touché.es par le blocage des cours. Néanmoins, nous soutenons les interrogations et les mobilisations légitimes des personnes concernées par la loi LRU.
Notre soutien à cette lettre ouverte intervient suite à des discussions entre étudiant.es et avec des enseignant.es d’anthropologie, dont notamment François Laplantine. Nous formulons à notre tour la nécessité d’être considérés comme des acteurs et actrices à part entière dans l’université et le choix de son avenir.
Très sincèrement,
(suivent 32 noms au 07/12/07).
Toutes et tous étudiant.es en Master 2 d’Anthropologie (recherche et professionnel). Quelques étudiant.es en Master 2 Métiers des Arts et de la Culture se sont joint-es à ce courrier de soutien.
Communiqué de l’intersyndicale de lille 3 du 14/12
La situation actuelle est devenue mortifère pour l’université et pour le mouvement contre la LRU. Il est plus que jamais nécessaire, dans un climat qui ne cesse de se dégrader, de :
- Faire cesser immédiatement et durablement toute présence policière sur le domaine universitaire, rendant impossible tout retour à un fonctionnement normal de l’université.
- Créer les conditions d’une validation sereine et équitable du semestre, par un cadrage clair du calendrier des contrôles continus en janvier et début février.
- Le blocage total de l’université, pertinent en début de mobilisation pour instaurer un rapport de forces, est à l’heure actuelle un outil inadapté à la situation locale. Il est temps de trouver tous ensemble des moyens d’action plus appropriés pour assurer la continuité du mouvement. Il est donc souhaitable que ce soit l’assemblée générale et non la présidence qui décide démocratiquement de la fin du blocage. C’est pourquoi nous appelons sur ces bases à une participation massive à l’AG du Lundi 17 Décembre (10h 30 Amphi A) .
SUD étudiant-e Lille, UNEF-Lille, Ferc Sup CGT, SNESup, SNPRES-FO
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