Source: Le Monde 15/12/2008
La dotation ministérielle pour le fonctionnement des universités (DGF)
parvient ces jours-ci dans les établissements. Elle s'inscrit dans la
suite logique du budget pour 2009 présenté au Parlement et en
application de dispositifs nouveaux d'affectation des moyens de l'Etat
aux universités qui n'ont jamais été soumis aux avis de la communauté
universitaire.
Dans bien des cas, la somme allouée permettra tout juste de présenter un
budget en équilibre pour l'année 2009. Mais ce sera grâce aux crédits du
plan " réussite en licence ". La prétendue augmentation de la dotation
se traduit très clairement par une diminution budgétaire affectant des
universités, déjà sous-dotées et sous-encadrées.
Ainsi, à l'université Paul-Valéry (Montpellier-III), cette dotation
prévoit une augmentation globale de 8 %, avec une DGF en baisse de 14 %
et des charges nouvelles (primes d'encadrement doctoral, allocations de
recherche) compensées par une très forte augmentation du plan réussite
en licence. La conséquence de ce tour de passe-passe est que le plan
réussite en licence diminue d'autant la dotation générale et devra
servir au financement du fonctionnement.
Le même document ministériel annonce une vague sans précédent de
plusieurs centaines de suppressions de postes pour les trois ans à
venir, sur des critères opaques : par exemple, 24 postes supprimés à
Aix-Marseille-II, 18 à Grenoble-I, 18 à Lille-I, 18 à Caen, 15 à Brest,
12 à Toulouse et 12 à Montpellier-III.
A plusieurs reprises, la ministre de l'enseignement supérieur avait
affirmé la nécessité de rééquilibrer les dotations jusque-là très
défavorables aux universités de lettres, langues, arts, sciences
humaines et sociales. La dotation de 2009 revient sur cet engagement et
pose la question de l'avenir de ces universités. Ces retraits de postes
mettent aussi en grande difficulté nombre d'universités
pluridisciplinaires.
Le ministère s'était par ailleurs engagé à réduire les écarts de
dotation entre les universités lancées dans une démarche de fédération
ou de fusion, afin d'éviter le pillage des unes par les autres ; il n'en
est rien et ces projets s'en trouvent considérablement fragilisés.
Le rapprochement entre ces dotations budgétaires et la modification
imposée (contre l'avis des organisations syndicales) du décret sur le
statut des enseignants-chercheurs est éclairant. A l'évidence, le
ministère vise à inclure dans les services statutaires les heures
complémentaires, ce qui revient à asphyxier toute recherche dans nombre
de domaines, en particulier les lettres et sciences humaines. Pour les
personnels administratifs, cette réduction de moyens et de postes remet
en question l'existence même de certains services ; et que dire des
nouveaux services à développer (orientation, stages, mobilité
internationale, etc.). Quel double langage que d'affirmer vouloir
améliorer et " universitariser " la formation des futurs enseignants en
allongeant la durée des études d'un an au moins pour ces milliers de
candidats, et de diminuer globalement les moyens des universités censées
les former aux disciplines, aux métiers tout en les préparant aux
concours !
Ce grand écart entre les proclamations et les actes place les présidents
d'université dans une position intenable. Il n'est plus possible de
réguler voire d'arbitrer entre des laboratoires ou entre des formations
au sein de chaque université. Les présidents sont, par cette rafale de
mesures non concertées et souvent désastreuses, sommés de choisir entre
la solidarité avec la communauté universitaire ou la complaisance avec
le ministère. Est-ce cela l'autonomie ?
Pascal Binczak,
président de l'université Paris-VIII ;
Claude Conde,
président de l'université de Franche-Comté ;
Lise Dumasy,
présidente de l'université Stendhal-Grenoble-III ;
Anne Fraïsse,
présidente de l'université Montpellier-III ;
Marc Gontard,
président de l'université de Haute-Bretagne-Rennes-II ;
Georges Molinie,
président de l'université Paris-IV-Sorbonne ;
Mohamed Rochdi,
président de l'université de la Réunion ;
Josette Travert,
présidente de l'université de Caen-Basse-Normandie.
Source : Le Monde 15/12/2008
mardi 16 décembre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire