Notre université traverse une crise difficile, liée à la loi LRU. Les personnels et les étudiants sont légitimement inquiets pour le devenir de l’université française. Or, dans notre établissement, aucune mesure n’a été prise pour faciliter les débats: l’analyse de la loi au Conseil d’administration a été tardive, la demi-journée banalisée pour les personnels est arrivée bien tard, elle aussi. Les discussions avec les étudiants n’ont pas eu lieu sur le fond.
Quant à la gestion de la crise, elle accentue les clivages et augmente les tensions dans la communauté universitaire. C’est le choix de la violence qui l’a emporté. Faute de dialogue et de concertation, les personnels et les étudiants ont été destabilisés, malmenés, divisés. Le président, seul, a décidé de demander une intervention policière sur le campus. Il a choisi, seul, de réaliser sous le contrôle policier un simulacre de consultation, qui se révèle aujourd’hui inefficace, à moins que l’on continue dans l’escalade et que les forces de l’ordre ne reviennent pour une quatrième fois sur le campus.
Il y avait une autre voie dans ces circonstances dont je ne nie pas qu’elles soient difficiles. Pourquoi ne pas avoir consulté le CEVU réuni pour les habilitations à l’heure où l’intervention policière a été décidée? Pourquoi ne pas avoir tenu le CA le lendemain? Pourquoi ne pas avoir consulté les vice-présidents et les directeurs d’UFR? Pourquoi ne pas avoir laissé la communauté universitaire s’exprimer et organiser son service d’ordre, comme cela a été proposé par certains d’entre nous? Ce qui nous divise aujourd’hui aurait pu nous rassembler et sans doute nos étudiants auraient-ils pu sortir la tête haute du conflit. Au lieu de cela, un silence pesant émaillé d’arrêtés et de communiqués contradictoires, un silence assez proche du mépris, face à une communauté qui, pourtant, se rassemblait dans un désir presque unanime de remettre en route l’institution.
Telle n’est pas ma conception de la présidence. Pour moi, elle se doit de souder la communauté universitaire, de l’entraîner vers un projet clairement défini emportant l’adhésion de chacun, parce que chacun s’y reconnaît, y voit son rôle et les bienfaits qui en ressortiront pour tous. En cas de crise, un président consulte, écoute, rassure, galvanise pour agir. Il n’oscille pas entre la peur et la violence. En cas de crise, il ménage l’issue et reste dans une position qui vise à réconcilier.
Pour moi, c’est la tête haute que je veux sortir de mes fonctions électives universitaires. Jamais on ne me fera croire que la force peut remplacer le dialogue. Jeudi, nous avons donné à nos étudiants un exemple pitoyable de démocratie, en les faisant voter sans liste d’émargement, sans accès au dépouillement et avec des cars de CRS dans le paysage proche. On me dit que beaucoup d’entre vous souhaitaient cette issue, On me dit que ma voix ne sera pas entendue. On me dit même qu’on pourrait rire de moi. Tant pis.
J’ai beaucoup travaillé pour nous tous ces derniers temps, mais sans succès. Mon travail sur le budget et les préconisations que j’ai faites pendant ces dix-huit mois, sont restés sans échos. La lettre de cadrage, prête depuis huit semaines n’a pas été examinée. Il manque un million d’euros pour monter le budget. Lors de mon élection, le président a dit me confier la gestion des personnels. Je n’y ai jamais eu accès et j’ai vu, impuissante, le gâchis des compétences se faire sous mes yeux. Je n’ai rien pu faire non plus sur le redéploiement des postes enseignants et pour la maîtrise des heures complémentaires. Je n’ai pas été entendue sur la question du resserrement de l’offre de formation. J’ai été tenue écartée de la question des locaux pourtant brûlante au moment de la révision du contrat de Projet Etat Région, à l’heure où nous allons probablement perdre Saint-Charles et la Rue l’Abbé de l’Epée, et où il est question, peut-être, quand il y aura eu une délibération du CA, si on l’en saisit, de construire encore sur le Campus. Le contrat d’établissement, pour lequel j’ai fourni un énorme travail, ne soustend pas un projet qui pourrait remobiliser nos forces. L’interU va à la dérive et se noiera dans le PRES, si jamais ce dernier arrive à émerger. Seule la recherche, semble prendre la bonne voie, avec son regroupement d’équipes, sa nouvelle structuration, ses thèmes fédérateurs qui, s’ils ne se développent pas dans le PRES, trouveront leur place dans la MSH.
Au-delà de la crise actuelle, le bilan est plus qu’inquiétant. Qui peut actuellement remettre en marche notre lourde machine? Le Président est-il en état de mobiliser la communauté universitaire? A-t-il encore sa confiance?
Quant à moi, je sais que désormais mon travail est inutile, et que cautionner par ma présence dans l’équipe de direction ce qui vient de se passer sur ce campus m’est éthiquement impossible. Vous m’avez souvent entendu soutenir que mon travail était technique, qu’il suffisait de bien étudier les dossiers pour qu’émergent des solutions consensuelles, en un mot, que dans mon travail, je dépassais le politique. Aujourd’hui le politique me rattrape. C’est pourquoi je vous remets ma démission en vous remerciant de la confiance que vous m’avez accordée pendant ces longues années. Merci aussi à tous ceux avec lesquels j’ai travaillé et qui ont instruit avec moi les dossiers que j’avais en charge, faisant la preuve de leurs compétences et de leur goût du travail. Cela ne manque pas dans notre université, et c’est là-dessus qu’il faudra s’appuyer pour que l’université Paul Valéry retrouve la place qu’elle mérite.
Marie-Paule MASSON
mercredi 19 décembre 2007
Communiqué de la Vice-Présidente démissionnaire du Conseil d'Administration
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