dimanche 23 décembre 2007

Ce qui se passe sur le campus est très grave.

par Olivier KRAIF, Université Stendhal - Grenoble 3

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave. On matraque des étudiants grévistes non violents. Qui plus est, ce sont des universitaires - nos propres dirigeants - qui font appel aux forces de l’ordre. C’est sans précédent. L' Université était un sanctuaire, un contre-pouvoir, un lieu d'échange et de discutions. C'est aujourd'hui un lieu de répression.

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave : en fait il ne se passe RIEN. La grande masse des personnels est absente. Les AG inter-U rassemblent quelques dizaines de membres du personnel. Comme si tout cela concernait une poignée de bloqueurs d’une part, et les forces de l’ordre d’autre part. Où sommes-nous ?

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave : une loi est en train de dessiner une AUTRE université. L 'Université de demain. L’Université de vos rêves - ou de vos cauchemars. Et tout ceci sans que vous ayez eu le temps d'y penser, sans que vous y ayez pris part - une loi votée comme ça, l’air de rien, un 10 août, pendant que vous tentiez d’oublier un peu votre métier pour penser à autre chose. Pendant que vous pensiez à autre chose, vos ministres eux, pensaient à vous. Ou plutôt : pour vous…

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave : votre métier est en passe de devenir un AUTRE métier. Vous pensiez avoir une mission : transmettre des connaissances à des étudiants - des connaissances générales, avec une valeur universelle, qui pourraient leur être utiles tout au long de leur vie d adulte : en tant que professionnel, mais aussi en tant que citoyen, en tant qu'être pensant. Vous pensiez que ces connaissances -ou ces outils- sont la meilleure garantie d’une bonne insertion professionnelle, dans le long terme. Dans l'université de demain, ces connaissances seront finalisées, et leur valeur sera mesurée à l’aune de l'insertion professionnelle. Or, celle-ci peut-elle être mesurée autrement que dans l’espace du local et l'intervalle du court terme ? La valeur d'une connaissance est-elle réductible à sa rentabilité économique immédiate ?

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave : l’AUTONOMIE des Universités ne sera bientôt plus qu'un souvenir. Les Universités étaient dirigées par des universitaires, et financées par l’Etat. Les universitaires n’avaient de compte à rendre qu’a l’Etat, en fonction d’objectifs qu'ils s’étaient eux-mêmes fixés. Elles seront bientôt dirigées, en partie, par des acteurs du monde économique, et dépendront, en partie, des subsides de fondations privées. Elles auront des comptes à rendre au monde économique. Elle n’auront plus qu'une seule autonomie : gérer la pénurie financière. Avec les partenaires de leur choix.

Ce qui se passe en ce moment sur le campus est très grave : la science n’y sera bientôt plus libre. La finalité première de l’activité scientifique était de faire progresser la connaissance. Demain elle sera de faire fonctionner l’économie de la connaissance. La mission première de l’Université était de diffuser ces connaissances. Demain elle sera de déposer des brevets pour les protéger. Dans un monde ou certaines entreprises voudraient breveter le vivant, où seront les garde-fous ? Serons-nous contre-pouvoir, ou complices ? Que vous soyez pour ou contre la LRU, pour ou contre le blocage, pour ou contre le gouvernement, IL EST URGENT DE SE DONNER LE TEMPS de s’informer sur le texte, d’en évaluer les conséquences, de réfléchir sur ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir. C’est une exigence démocratique. NOUS SOMMES LES PREMIERS CONCERNÉS. C’est pourquoi je me permets de vous écrire ce texte, en tant que membre de la même communauté.

Soyons nombreux aux AG des personnels, aux commissions de réflexion, mobilisons-nous ! Demain il sera trop tard. Bien trop tard, pour dire : nous ne savions pas…

Olivier Kraif
Maître de conférences en Informatique (Qui n a aucune envie de devenir Maître de conférences en Certification Microsoft, ou Partenaire Intel, à l’Université Stendhal (TM))

Le 19 décembre.

1 commentaire:

ici a dit…



Chères et chers collègues,

Vous avez certainement vu les deux messages que le président de notre
université nous a adressés, jeudi 20 décembre matin et vendredi 21 décembre
midi, pour annoncer qu’il avait dû faire procéder à l’évacuation du Hall Sud
en ayant recours à la force publique, suite à l’échec des négociations avec
les étudiants grévistes.

Mandatés par le conseil d’administration du 17 décembre pour une médiation
en direction des étudiants, nous avons un tout autre point de vue que le
président. Nous lui avons donc demandé vendredi 21 décembre de le faire
connaître, par la même voie que celle qu’il a utilisée (Actualités
Stendhal), au titre du droit de réponse, et dans le souci de rendre compte à
notre communauté de la façon dont nous nous sommes acquittés de notre
mission. Notre demande est restée sans réponse.

Nous regrettons de devoir procéder par des envois personnalisés, mais il
nous semble de la plus haute importance, eu égard à la gravité des faits, de
ne pas attendre la rentrée de janvier pour manifester notre position. Aussi
vous adressons-nous ci-après le « communiqué » adressé au président et que
nous destinions à Actualités Stendhal, suivi d’un « historique de la
médiation », telle que nous l’avons menée.

Nous comptons sur ceux d’entre vous qui le jugeront légitime et utile pour
diffuser ce message auprès des collègues dont nous n’avons pas l’adresse,
les doublons étant à nos yeux préférable au silence dans un cas comme
celui-ci.

Nous en profitons pour vous adresser nos meilleurs vœux et vous souhaiter
d’excellentes vacances.


Christophe Mileschi
Odile Lagacherie
Ramon Alvarez

Pour la délégation des médiateurs