Une des composantes essentielles d’une réforme de l’université doit consister en une réflexion globale sur l’évolution du premier cycle universitaire, qui concentre une grande partie des difficultés actuelles du système. De ce point de vue, le « plan réussite en licence » annoncé jeudi 13 décembre par la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche apparaît largement en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre d’une réforme en profondeur, et repose de surcroît sur une conception faussée de la nature et des objectifs du premier cycle universitaire.
En premier lieu, les mesures proposées par ce plan ne sont pas à la hauteur des objectifs très ambitieux qu’il affiche et qu’on ne peut a priori que partager (diviser par deux en cinq ans le taux d’échec en première année, amener 50% d’une classe d’âge au niveau licence). Les moyens du « plan licence » sont beaucoup trop restreints au regard de l’enjeu crucial de la refonte du premier cycle. Sans aucune création de poste, ce plan « réussite en licence » est condamné d’avance : les exigences d’encadrement des étudiants ne pourront être correctement remplies. De plus, tel qu’il est conçu, le plan suppose le recrutement massif d’enseignants contractuels temporaires (essentiellement moniteurs et ATER), ce qui ne favorise ni la cohérence des équipes pédagogiques, ni la qualité des enseignements, ni enfin l’encadrement des étudiants — mieux vaudrait confier les enseignements de première année à des enseignants-chercheurs chevronnés — et l’augmentation des services d’enseignement des enseignants-chercheurs. Les enseignants de licence ne seront donc plus, de facto, des enseignants-chercheurs. C’est bien que la volonté affichée de promouvoir la recherche française à un rang d’excellence mondiale relève de la pure hypocrisie.
Examiné dans le détail de ses propositions, le « plan réussite en licence » n’apporte pas de solutions satisfaisantes :
le caractère prétendument plus « généraliste » de la première année universitaire n’est censé être assuré que par des enseignements aux contours très vagues : « culture générale, connaissances du monde socio-économique, bases juridiques ».
les prétendues innovations pédagogiques qu’il avance (groupes restreints, tutorat, suivi individuel) ne sont pas totalement inconnues des universitaires : elles supposent par contre, pour être efficaces, un réel soutien financier.
aucune réflexion en profondeur n’est menée sur les rapports entre premier cycle universitaire et d’autres espaces d’enseignement post-baccalauréat, spécifiquement les classes préparatoires.
il semble inviter à l’établissement de numerus clausus dans les établissements, censés « afficher sur le site national d’orientation les places disponibles pour chaque filière » et à l’institutionnalisation de la concurrence entre établissements (qui doivent publier « les taux de réussite aux examens et les taux d’insertion professionnelle »).
Enfin ce plan contient un autre danger : il est fondé sur une conception faussée du type de savoir dispensé par le premier cycle universitaire (opposition artificielle entre « connaissances » d’un côté et « compétences » de l’autre, nuisible aux savoirs disciplinaires fondamentaux) et sur une définition excessivement étroite de la « professionnalisation », entendue comme « employabilité » directe à la fin de trois années d’études. De fait, l’université ne peut prétendre être « professionnalisante », et garantir une orientation efficace des étudiants, que dans la mesure où le premier cycle (et spécifiquement la première année) est organisé autour d’un tronc commun fortement pluridisciplinaire : c’est cela, une formation réellement « généraliste », garante de savoirs solides, et non de savoir-faire souvent éphémères. De plus, le plan proposé ne prend aucunement en compte l’articulation entre enseignement et recherche, ni du point de vue des enseignants-chercheurs, ni de celui des étudiants souhaitant poursuivre des études au-delà de la troisième année de licence dans une discipline relevant des « fondamentaux ».
Le « plan licence » témoigne à cet égard d’un aveuglement idéologique et technocratique qui ne peut être qu’extrêmement dommageable à l’avenir des premiers cycles universitaires. Il s’inscrit, en ce sens, dans la filiation directe de la loi LRU, et doit donc être rediscuté au même titre. Les premiers cycles universitaires méritent un « plan réussite » élaboré en concertation avec les enseignants-chercheurs, et doté de moyens à la hauteur de ses ambitions !
Mis à jour le lundi 17 décembre 2007
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