mardi 4 décembre 2007

CNESER 2008 : Faire du neuf avec du vieux

ANALYSE du texte d'introduction de l’ordre du jour du CNESER du 17 décembre sur la répartition des moyens et le tableau sur le budget, intitulé "augmentation des moyens 2008"

par Yann Bisiou, Université Paul Valéry

Sur la forme, la note ministérielle est un copié collé de documents anciens. La page 3 reprend mot pour mot les termes de la note n°07-05495 du 7 septembre 2007 sur la campagne d’emplois 2007 et l’introduction reprend l’exposé des motifs de la discussion du budget 2008 de la recherche et de l’enseignement supérieur. Quant aux données relatives à l’exonération de la taxe sur les salaires, elles sont fondées sur les comptes financiers 2005 et n’ont pas été mises à jour avec les comptes financiers 2006 pourtant disponibles depuis l’adoption de cette mesure dans la loi de finance rectificative pour 2006 votée le 30 décembre 2006.
Sur le fond l’augmentation des crédits est réelle mais n’a pas l’ampleur qu’on veut lui donner. A priori, mais il faudra que je vérifie lundi, la DGF connaît une augmentation relative : les crédits sont maintenus à leur niveau antérieur alors que l’université fait face à une diminution du nombre de ses étudiants. En revanche le préciput sur les crédits ANR n’est qu’une avance sur des crédits déjà prévus et n’apporte aucun financement nouveau. Quant à l’exonération de la taxe sur les salaires, elle ne peut être ni considérée comme une nouveauté (puisqu’elle a été votée et financée en 2006), ni comme l’affectation de crédits nouveaux aux universités puisqu’il s’agit simplement d’une charge que les universités n’auront pas à payer.
Au final, seul le plan " Licence " apporte des crédits nouveaux, et encore, à hauteur de 27,5 millions d’euros.
On peut dès lors se demander où sont passés les milliards d’EDF ???
La DGF
A priori la DGF des établissements reste stable, mais cette donnée doit encore être vérifiée. Le montant présenté est en effet celui de la DGF " San Remo " qui doit être complété par le reversement des exonérations boursières et diverses sommes complémentaires. À titre d’exemple la DGF de l’UPV pour 2007 était de 6,6 millions d’euros et non de 3,9 millions. Je ne crois pas que ces 3,9 millions traduisent une baisse ; je veux espérer qu’ils ne correspondent qu’à une partie de la DGF totale attribuée à notre établissement.
Le Plan Licence
Ce sont les seuls crédits qui puissent vraiment être considérés comme " nouveau " et traduisant un investissement supplémentaire de l’État en faveur des universités. Pas grand-chose à dire si ce ne sont les réserves que l’on peut avoir sur le critère retenu : celui des bacheliers " en retard ". Pourquoi n’avoir pas tenu compte du critère social lié au taux de boursiers qui est au moins aussi important quand on s’intéresse au taux d’échec à l’université ?
La question des bacheliers techniques et professionnels
Surtout une disposition me choque : l’attribution aux seuls IUT d’une dotation de 5 millions d’euros pour aider à la réussite des bacheliers technologiques et professionnels. À première vue bien entendu cette mesure est louable, en réalité elle est discriminatoire et ne favorise pas les étudiants les plus en difficultés.
Les IUT qui sélectionnent les étudiants ne recrutent pas les bacheliers techniques et pro les plus en difficulté. Ce sont les universités qui, par défaut et bien malgré elles, doivent accueillir ces étudiants. Les études du ministère montrent que la moitié des bacheliers techniques et professionnels inscrits à l’université ont déposé un dossier dans une filière sélective, c’est-à-dire dans un IUT (" Qui sont les nouveaux bacheliers inscrits en licence à la rentrée 2006 ?, DES note d’information 07.11). Selon une autre étude, la moitié des bacheliers technologiques sont inscrits à l’université par défaut, le rapport précisant : " L’inscription en DEUG constitue ainsi souvent une solution d’attente pour ceux qui avaient souhaité une autre orientation : le taux d’abandon du DEUG est multiplié par trois et demi lorsque l’étudiant n’avait pas fait le choix de cette filière. " (" Les inscriptions à l’université : quel bilan ?, DES, note d’information 07.10, p.3). A titre d’information, les bacheliers techniques représentent 32,34% des effectifs en première année AES, les bac pro 18,20%. Dans ces conditions lutter contre l’échec en licence passe par un soutien spécifique à l’université en faveur de cette population au moins autant, et certainement plus qu’en IUT.
Le préciput sur les crédits ANR
Un préciput est la possibilité donnée à une personne de prélever une somme d’argent sur une masse avant tout partage. Les crédits annoncés au titre du préciput ANR ne sont donc en réalité qu’une estimation de la future ventilation des crédits ANR ; rien de plus. Pas de crédits nouveaux, pas d’engagement nouveau, les universités peuvent seulement espérer récupérer 10 millions d’euros en avance sur les crédits de recherche ANR.
Cette présentation appelle plusieurs remarques :
1° " Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux… On m'élit roi, mon peuple m'aime"… cette annonce tient plus de Perrette et le pot au lait que de la comptabilité publique . Rien ne garantit que les universités disposeront effectivement de ces crédits et on ne peut raisonnablement inscrire de telles couvées dans les budgets initiaux 2008.
2° On a en revanche une idée, avec ce document, de la façon dont les crédits de la recherche pourront être répartis et ce n’est pas très rassurant pour les universités LLASHS : 6 millions sur 10 vont à la recherche en " science dure " et santé.
3° Plus inquiétant encore, le ministère annonce que cette avance " sera désormais versée à l’hébergeur de l’unité " (intro p. 9). La ficelle permet d’afficher 2 fois une seule dotation, au titre de la recherche d’une part, au titre du soutien aux universités d’autre part. Au-delà on peut craindre que ces sommes attribuées à l’université soient utilisées à d’autres fins que la recherche.

L’exonération de la Taxe sur les salaires 2007
Présenter l’exonération de la taxe sur les salaires comme une augmentation des moyens 2008 est tout simplement fallacieux. D’abord cette mesure date de l’année dernière et a déjà été financée. Ensuite il s’agit d’une " économie " présumée et non de crédits nouveaux.

L’exonération de la taxe sur les salaires n’est pas une nouveauté. Elle est issue de trois amendements déposés au Sénat et discutés le 19 décembre 2006 (article 29 bis D modifiant l’article 231 du Code général des impôts : http://www.senat.fr/seances/s200612/s20061219/s20061219003.html ) lors du vote de la loi de finance rectificative pour 2006 (loi n°2006-1771 du 30 dec. 2006, art. 86 http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX0600190L ). Cette exonération était dictée par la volonté exprimée par certains parlementaires d’accroître les financements de l’enseignement supérieur privé, même si, au bout du compte, elle bénéficie aussi, et peut être d’abord, à l’enseignement supérieur public.
La taxe sur les salaires, créée en 1948, est une curiosité budgétaire qui consiste pour l’État à reprendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre. D’un côté l’État verse des subventions à des associations ou structures de santé ou d’enseignement, puis il taxe les salaires payés avec ces subventions… Lors des débats devant le Sénat Jean Arthuis, président UMP de la commission des finances expliquait ainsi: " En matière de comptes publics, la taxe sur les salaires, monsieur le ministre, gonfle artificiellement les recettes et les dépenses. En effet, plus de la moitié des contributeurs sont en fait des unités de la sphère publique : la santé, l'enseignement supérieur, un certain nombre d'organismes qui disposent de fonds publics. Cela signifie que les comptes publics sont gonflés par une recette et une dépense qui s'équilibrent, mais forment une masse qui fait illusion et impressionne. "
En clair, dans le régime antérieur, l’État attribuait une subvention à un établissement sous forme de DGF puis il récupérait une partie de cette subvention sous forme de taxe sur les salaires à hauteur de 4,25% du montant des rémunérations payées par l’établissement (vacataires et contractuels).
Avec la modification votée en 2006 et applicable à compter du 1er septembre 2007, les universités n’ont plus à restituer cette part de DGF. Il en résulte donc une augmentation de la DGF nette de l’établissement. Pour l’UPV, cette économie peut être estimée à un peu plus de 400.000 euros en année pleine (409.000 euros dans le compte financier 2005, 418.000 euros dans le compte financier 2006). Mais cette économie a déjà été intégrée aux bugets universitaires. Pour nous ce fut fait en DBM d’automne.
Il n’y a là ni crédit nouveau ni même économie nouvelle. Les parlementaires en sont d’ailleurs si bien conscients que, lors du débat sur le budget 2008, plusieurs députés UMP ont demandé, et obtenu contre l’avis du gouvernement, de majorer de 8% la dotation à l’enseignement supérieur privé en plus de la suppression de la taxe sur les salaires (Amendements 202 et 248 rectifiés, discussion parlementaire Mission Recherche et enseignement supérieur – État B, 16 novembre 2007 deuxième séance : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080055.asp ). Il faut croire que pour l’enseignement supérieur privé il est nécessaire d’accroître les crédits et pas seulement de diminuer les charges. Pour les universités en revanche il faudra se contenter d’une suppression des charges.

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