mercredi 12 décembre 2007

Abandonner les étudiants ?

Lettre à la presse
par Cécile Canut, maître de conférences à l'Université Montpellier III.

Depuis plusieurs semaines, les étudiants conduisent, seuls, un mouvement que l'on passe volontiers sous silence et dont on répète depuis des jours qu'il est en train de s'essouffler. Dont on affirme aussi qu'il est mené par des agitateurs, des extrémistes minoritaires ou autres provocateurs. Mais pour qui suit les assemblées générales des étudiants, les commissions culturelles qu'ils mettent en place, les débats qu'ils animent, pour ceux qui prennent le temps de suivre pas à pas ce mouvement, il en va tout autrement. Les étudiants grévistes portent un message et une vision du monde que bien peu veulent entendre. Leurs méthodes et leurs organisations peuvent être discutées, elles ont même cela en propre : la possibilité de s'ordonner dans un espace de dialogue. Mais en lieu et place de la parole, les étudiants sont tenus dans le mépris, ils font face à la menace et à la répression policière. Régulièrement, les étudiants grévistes sont frappés et interpellés par les CRS dépêchés sur les lieux de la contestation. Les coups de matraques et les grenades assourdissantes ne sont pas là pour faire évoluer les choses. Loin s'en faut.

La fermeture administrative

Mais le mépris des personnels et des étudiants par certaines présidences d'université, dont l'autoritarisme préfigure l'omnipotence qui leur est promise par la loi LRU, ne s'arrête pas là : il est désormais celui d'une mise au ban de tous sous la forme d'une « fermeture administrative » des locaux. Mesure pour le coup extrême, à valeur de couvre-feu, dont la vertu n'est pas seulement de rompre sans ménagement toute possibilité de dialogue, mais également d'activer le ressentiment à des fins de division. Imposée pour la seconde fois en un mois à Montpellier III (comme dans six autres universités), ses conséquences sont désastreuses pour les étudiants dans leur ensemble, mais aussi pour les enseignants précaires, pour les étudiants étrangers qui attendent encore leur carte d'étudiant, pour les candidats aux concours que les grévistes laissaient travailler, etc. Ces fermetures renforcent définitivement la rupture de tout lien entre les enseignants et les étudiants : il en ressort une frustration née du sentiment d'abandonner provisoirement ces derniers à leur sort.

Une parole à entendre

Le mouvement des étudiants, comme celui qui s'est construit dans l'enceinte de l'université de Montpellier III par exemple, est tout sauf un mouvement extrémiste ou nihiliste comme on voudrait le faire croire. Les étudiants, de manière pacifique, cherchent le dialogue entre tous, l'échange avec les enseignants et le débat. Ils mettent en place des programmes de réflexion sur les conditions de fonctionnement de l'université, ils s'informent, ils s'intéressent aux conditions de production de la recherche, ils refusent la privatisation des savoirs, ils proposent des alternatives. Il faut leur rendre cette justice : ils donnent à voir d'eux autre chose que l'archétype de l'étudiant passif. Mieux : ils donnent à penser avec eux. Ce qui n'est pas rien. C'est une exigence de le reconnaître. Et c'en est une autre de pouvoir toujours mieux les entendre.


Cette lettre a été co-signée par :

Jacques Choukroun, Arts du spectacle, université Montpellier III.
Claudy Bouyon, Sciences du langage, université Montpellier III.
Paul Pandolfi, Ethnologie, université Montpellier III.
Frédéric Sacard, Directeur du théâtre de l’université Montpellier III.
Gérard Lieber, Art du spectacle, université Montpellier III.
José Louis Moraguès, Psychologie, université Montpellier III.
Georges Hugot, Géographie, université Montpellier III.
Marie-Odile Géraud, Ethnologie, université Montpellier III.
Christelle Dodane, Sciences du langage, université Montpellier III.
Maurice Duval, Ethnologie, université Montpellier III.

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