L'incendie se propage dans le supérieur. Les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) rejoignent désormais la contestation. Ils réclament l'abandon de la réforme de la formation des enseignants. Et appellent à la grève avec les universitaires à partir de ce lundi.
Une centaine de représentants issus d'une quinzaine d'IUFM et d'universités étaient réunis hier à la Sorbonne, salle Guizot, à l'appel d'une cordination nationale. Au coeur des débats: la "masterisation" de la formation des enseignants.
Selon cette réforme voulue par Nicolas Sarkozy - et mise en musique par Valérie Pécresse et Xavier Darcos -, les futurs professeurs devront avoir un master (bac plus 5) au lieu d'un bac plus 3. Officiellement cela doit leur permettre d'être mieux payés. Et à la France de s'aligner sur ce qui se fait en Europe.
Mais la réforme passe mal: trop précipitée, irréalisable, mal conçue sur le fond, nuisible à terme... Or comme toujours avec Sarkozy, le temps presse: les nouveaux masters pour les enseignants doivent être prêts dès la rentrée. Et les nouveaux concours de recrutement - de professeur des écoles, le capes, etc - seront mis en place en 2010.
Comme je l'évoquais dans une précédente note, chaque université doit préparer ses propres masters. Mais c'est le grand bazar. Les participants à la coordination nationale l'ont encore confirmé, en déclinant ce qui se passait chez eux. On trouve tous les cas de figure:
- quelques universités, bonnes élèves, préparent leurs masters et les transmettront comme prévu au ministère de l'Enseignement supérieur d'ici le 15 février, date limite de dépôt,
- d'autres les préparent mais ne les feront pas remonter pour protester,
- dans d'autres, certains départements acceptent de travailler sur les futurs masters de professeurs du secondaire mais d'autres refusent, tandis que les IUFM avancent sur les masters de professeurs des écoles ou de CPE (conseiller principal d'éducation),
- la plupart du temps, les présidents d'université sont pour la remontée des maquettes au ministère, mais ils ne sont pas toujours suivis par les départements et les UFR concernés,
- parfois les universités travaillent sur ces masters en collaboration avec les IUFM, dautres fois non, et les deux parties alors se font concurrence,
- les universités d'une même région se livrent aussi souvent à une sourde concurrence et préparent des maquettes de masters chacune dans leur coin.
Les représentants à la coordination ont dit leur malaise face à cette mise en concurrence. Les personnels des IUFM sont particulièrement sensibles à la pression. Jusqu'ici ils se chargeaient de la formation professionnelle des futurs enseignants. Aujourd'hui ce sont les universités qui ont la main. Et les IUFM, qui y sont désormais intégrés, craignent pour leur avenir.
"Lorsqu'on bloque les maquettes de masters, ont répété plusieurs participants, on nous fait comprendre que si on s'obstine, nous risquons de disparaître et de perdre nos emplois car d'autres proposeront ces masters".
Les critiques, enfin, tournent autour de trois grands points:
- le manque de professionnalisation de ces masters: "comment imaginer que la formation professionnelle des futurs enseignants puissent se résumer à un stage de 108 heures maximum prévu en M2 ?", a lancé un participant.
- le problème social: alors que les candidats à l'enseignement voient leurs études rallongées de deux ans, l'année de stage rémunéré disparait. Et les bourses récemment annoncées par les deux ministres sont loin de le compenser. Du coup la coordination réclame le maintien de l'année de formation en alternance rémunérée.
- enfin les nouveaux concours de recrutement ne passent pas non plus: trop allégés, préparés à la va vite et mal cadrés, ils risquent de former des enseignants au rabais. Aussi la coordination demande-t-elle le maintien des concours actuels, dans l'attente de l'ouverture de négociations.
Véronique Soulé, journaliste à Libération
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