La lettre de Xavier Darcos aux syndicats, en date du 20 mars 2009, a été interprétée dans la presse comme un report de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants du premier et du second degrés (dite « masterisation »). De fait, pour la première fois, les difficultés de calendrier sont reconnues et le principe de concours nationaux est affirmé. Peut-on pour autant voir dans ce document, comme le fait la FSU, une « évolution » qui « va permettre aux étudiants d’y voir plus clair » et qui montrerait que « le ministre semble travailler maintenant sur un dispositif beaucoup plus ouvert » ? Non. Sur la forme, le Ministère de l’Education Nationale continue de penser que des communiqués ou des lettres sont l’équivalent de négociations. Sur le fond, pas de recul ici, mais une énième manœuvre.
Au lendemain d’un jour de manifestations considérables, alors que la date théorique de remise des maquettes de master (31 mars) s’approche après deux reports (elle avait déjà été prévue le 15 décembre, puis le 15 février) et que la CPU a fini par reconnaître l’impossibilité de mettre en œuvre cette réforme dès l’année 2009-2010 selon les exigences ministérielles, la lettre de X. Darcos n’est qu’un simple recul tactique sur la seule question des épreuves des concours, qui conserveraient - à titre transitoire !- pour l’année 2010 leurs modalités actuelles.
Pour le reste, non seulement les épreuves de concours nouvelle version seraient mises en œuvre dès 2011, mais le ministre continue d’imposer :
- le recrutement sur la base d’un master,
- la réduction du volume horaire des stages (que tous les étudiants n’effectueront pas)
- et l’augmentation de la charge d’enseignement dans l’année suivant la réussite au concours, au détriment de la formation en alternance en IUFM. Il ne résout ni la question de l’allongement de la durée des études non rémunérées ni celle des « reçus-collés » qui formeront une armée de vacataires taillables et corvéables à merci. Or c’est précisément contre ces aspects centraux de la "réforme" que s’élève l’ensemble de la communauté universitaire. Le ministre dévoile ainsi plus clairement que jamais les véritables intentions de sa réforme. Un moratoire sur la forme qui maintient le fond de la réforme ne peut être considéré comme une réponse satisfaisante, moins encore comme un recul. Nous ne saurions échanger le maintien provisoire du concours en l’état contre la mise en application subreptice d’une réforme que nous rejetons en bloc.
Le ministre croit-il sérieusement qu’un étudiant reçu au concours de 2010 pourra valider sa 2e année de master la même année, comme s’il était possible en un an de rédiger un mémoire de recherche original et de préparer un concours ayant (pour la dernière fois ?) un haut niveau d’exigence disciplinaire ? Pense-t-il sérieusement (autre solution envisagée dans sa lettre) que le jeune enseignant pourrait terminer son master pendant son année de titularisation, tout en assurant 12 heures de cours hebdomadaires (pour un reçu au CAPES) et en suivant les modules de formation ? Ou encore (troisième solution envisagée) devra-t-il commencer sa carrière par une année de congé sans traitement pour finir son diplôme ? Bref, X. Darcos exige implicitement que tous les candidats aux concours de 2010 soient déjà titulaires d’un master.
Les étudiants présents au concours 2009 pourront se présenter au concours 2010 même s’ils ne sont pas titulaires d’un master. Le pourront-ils en 2011 en cas d’échec ? Et s’ils réussissent au concours en 2011, comment pourront-ils acquérir le master nécessaire à leur titularisation ?
Autre casse-tête à venir pour les universités : pour la préparation des CAPES, il faudrait, si l’on suit la logique du ministre, assurer l’an prochain dans chaque discipline un M2 intégrant la préparation du concours ancien, un M1 intégrant la préparation du concours ancien et conduisant à un M2 sans préparation au concours, et un M1 sans préparation au concours, conduisant à un M2 avec préparation au concours nouveau… Et il en va exactement de même pour la préparation au professorat des écoles. On mesure l’opacité totale de l’offre de formation des universités l’an prochain !
La logique profonde de cette réforme, en plus des économies budgétaires (10 à 20 000 postes selon les sources), est de laisser aux universités le soin de sélectionner les étudiants, par l’argent d’abord car l’allongement des études non rémunérées introduit une forme de sélection sociale, et de marginaliser le rôle du concours. Dans le même temps, les ministères cherchent à déclencher un sauve-qui-peut général de façon à faire déclencher à la hâte la remontée de maquettes sans cadrage global, avec pour conséquence l’éclatement du caractère national des diplômes.
Après sept semaines de grève, est-ce la seule réponse que trouve X. Darcos ? Tient-il les universitaires, formateurs des IUFM, professeurs des premier et second degré, soutenus par des parents d’élèves, pour si méprisables ? Peut-il sérieusement croire qu’ils se contenteront de cela alors qu’ils sont conscients que cette « transition » bancale ne fait que repousser le problème et crée les conditions d’une nouvelle contestation dans un an ? L’ouverture de véritables négociations suppose le retrait de ce projet de réforme dont tout prouve que l’application aura des conséquences dramatiques, immédiates et durables, sur l’ensemble du système éducatif et la formation des jeunes générations. La lettre du ministère de l’Education nationale est une manœuvre dilatoire de plus, tout aussi néfaste et inutile que les précédentes. SLU rappelle son refus de toute transition qui viserait à rendre irréversible le processus de la réforme. L’abandon pur et simple du projet ministériel est le préalable indispensable à toute négociation sérieuse destinée à améliorer véritablement la formation des enseignants.
21 mars 2009
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