("Le Monde", 30 novembre 2007)
L’enseignement supérieur ne se réduit pas aux impulsions ministérielles, aux présidents d’université - abusivement enrôlés sous la seule bannière de la Conférence des présidents d’université - et aux étudiants. Curieusement, jusqu’ici, les universitaires sont ignorés en tant que groupes sociaux, multiples certes, mais, plus qu’on ne le croit, solidaires de ce qui est encore un grand service public. En mettant en avant les seuls individus dans une profession où l’engagement personnel est incontournable mais pas exclusif, on se prive de l’expérience et des propositions des associations et des syndicats.
L’université n’est pas une terra incognita pour le syndicalisme. Les très récentes élections dans les sections du conseil national des universités confirment le partage de cette vision collective. Avec une participation élevée pour ce type de scrutin (près de 48 % et près de 2,5 % de plus qu’en 2003), les universitaires ont placé très largement en tête, par le nombre des voix et des élus, le Snesup-FSU, qui avait fait de son opposition à la loi "liberté et responsabilités des universités" (LRU) l’un des axes de sa campagne. C’est un fait.
Cette loi provoque une inquiétude réelle à la fois précise et diffuse dont les effets de mobilisation contestataire sont loin d’avoir atteint leur apogée. D’abord, à rebours des demandes formulées de longue date par les étudiants et par les enseignants du supérieur - demandes entendues comme légitimes par tous les candidats des campagnes électorales du printemps dernier -, aucun moyen nouveau n’a été attribué aux universités, ni pour améliorer en cette rentrée universitaire 2007 les conditions d’accueil et de réussite des nouveaux bacheliers ni pour rendre plus lisibles et cohérentes les formations.
Aucune avancée vers la convergence des taux d’encadrement entre les filières universitaires et les filières des classes préparatoires, aucun emploi supplémentaire aussi bien d’enseignant que de personnels technique, administratif ou des bibliothèques. La situation actuelle des universités, plus largement de l’ensemble du système d’enseignement supérieur et de recherche en France, interdit le statu quo et exige lucidité et audace.
Lucidité des constats en premier lieu : stagnation du nombre d’étudiants (loin des objectifs européens affichés il y a dix ans), diminution d’entrée d’étudiants dans les filières scientifiques, recul du nombre de thèses soutenues, stagnation de la mobilité internationale étudiante sortante, précarisation accrue des emplois dans le supérieur, très faibles recrutements d’enseignants-chercheurs ces dernières années (à peine plus de 500 inscrits supplémentaires lors des élections au CNU de 2003 à 2007).
L’enseignement supérieur ne se réduit pas aux impulsions ministérielles, aux présidents d’université - abusivement enrôlés sous la seule bannière de la Conférence des présidents d’université - et aux étudiants. Curieusement, jusqu’ici, les universitaires sont ignorés en tant que groupes sociaux, multiples certes, mais, plus qu’on ne le croit, solidaires de ce qui est encore un grand service public. En mettant en avant les seuls individus dans une profession où l’engagement personnel est incontournable mais pas exclusif, on se prive de l’expérience et des propositions des associations et des syndicats.
L’université n’est pas une terra incognita pour le syndicalisme. Les très récentes élections dans les sections du conseil national des universités confirment le partage de cette vision collective. Avec une participation élevée pour ce type de scrutin (près de 48 % et près de 2,5 % de plus qu’en 2003), les universitaires ont placé très largement en tête, par le nombre des voix et des élus, le Snesup-FSU, qui avait fait de son opposition à la loi "liberté et responsabilités des universités" (LRU) l’un des axes de sa campagne. C’est un fait.
Cette loi provoque une inquiétude réelle à la fois précise et diffuse dont les effets de mobilisation contestataire sont loin d’avoir atteint leur apogée. D’abord, à rebours des demandes formulées de longue date par les étudiants et par les enseignants du supérieur - demandes entendues comme légitimes par tous les candidats des campagnes électorales du printemps dernier -, aucun moyen nouveau n’a été attribué aux universités, ni pour améliorer en cette rentrée universitaire 2007 les conditions d’accueil et de réussite des nouveaux bacheliers ni pour rendre plus lisibles et cohérentes les formations.
Aucune avancée vers la convergence des taux d’encadrement entre les filières universitaires et les filières des classes préparatoires, aucun emploi supplémentaire aussi bien d’enseignant que de personnels technique, administratif ou des bibliothèques. La situation actuelle des universités, plus largement de l’ensemble du système d’enseignement supérieur et de recherche en France, interdit le statu quo et exige lucidité et audace.
Lucidité des constats en premier lieu : stagnation du nombre d’étudiants (loin des objectifs européens affichés il y a dix ans), diminution d’entrée d’étudiants dans les filières scientifiques, recul du nombre de thèses soutenues, stagnation de la mobilité internationale étudiante sortante, précarisation accrue des emplois dans le supérieur, très faibles recrutements d’enseignants-chercheurs ces dernières années (à peine plus de 500 inscrits supplémentaires lors des élections au CNU de 2003 à 2007).
ABROGATION
Dans le même temps, les prouesses des universitaires sont indéniables et souvent collectives : accès et réussite dans le post-bac pour des milliers de jeunes, rayonnement international des universités françaises et de leurs enseignants-chercheurs, attractivité des statuts français pour des chercheurs de tous les pays. La loi, votée en août 2007, malmène ces statuts, acte le désengagement financier de l’Etat et favorise les embauches en CDD ou CDI, pour toutes les fonctions, dans les établissements d’enseignement supérieur. Les spécificités disciplinaires, les rythmes propres des activités de recherche seraient gommées par les procédures de recrutement prévues par cette loi qui fait du président d’université un manager "ordinaire", ignorant la dimension collégiale universelle des universités.
Il n’est pas surprenant de voir une réelle contestation de cette loi s’organiser. Celle-ci a déjà pris de multiples formes : motions contre la logique de cette loi dans la majorité des conseils d’université, en juin et juillet derniers, dans toutes les instances consultatives nationales (Cneser, CP-CNU, CoNRS), assemblées générales, participation aux grèves et manifestations - en particulier le 20 novembre -, et il faut mesurer toutes les initiatives un peu partout pour contourner, contrecarrer la loi, comme en témoignent des votes en ce sens à Paris-I, Paris-VI, Paris-VIII, au Havre, à Pau, à Amiens, etc.
L’appel à l’abrogation de la loi, non pas pour conserver en l’état un système universitaire qu’il faut transformer, mais pour en construire un autre démocratique, efficace scientifiquement et socialement, appuyé sur un vrai débat scientifique et sociétal, s’élargit. Le Snesup porte cette double exigence, qui converge avec les inquiétudes et les mobilisations étudiantes.
Le budget 2008, adopté le 16 novembre, n’autoriserait qu’à peine quelques minutes de plus de cours ou de TD par étudiant, alors qu’il convient de renforcer l’encadrement, le suivi, l’accompagnement des étudiants, dans toutes les filières, par des enseignants-chercheurs et enseignants disponibles pour transmettre leur enthousiasme, leurs savoirs !
Un vrai budget pour la recherche et le supérieur devrait permettre, par des allégements de service, à tous les nouveaux enseignants-chercheurs de prolonger, d’infléchir leurs activités de recherche et dans le même temps de construire des pratiques pédagogiques réfléchies et novatrices. Voilà l’essentiel. Déjà présent dans notre tissu de formation, mais bridé.
Nul besoin, quoi qu’en dise la ministre et la CPU, d’aller chercher des modèles outre-Atlantique. Nul ne peut prétendre que les universités françaises souffrent de ne pouvoir recruter à prix d’or tel ou tel chercheur français ou étranger. Les mésaventures sportives sont édifiantes : les équipes fabriquées à coups de millions ne gagnent pas toujours, pas plus qu’elles n’encouragent les pratiques de masse. Mais peut-on attirer les nouvelles générations vers les exigeants métiers de la recherche et de l’enseignement supérieur avec des salaires de début de carrière qui dépassent à peine, après neuf ans d’études supérieures en moyenne, les 1 700 euros net ?
C’est bien d’un authentique système universitaire unifié, ouvert et diversifié, démocratique dans ses fins et son fonctionnement, appuyé sur un investissement national prioritaire doublé et durable de la puissance publique, qui est nécessaire.
C’est là l’espoir. Le gouvernement doit entendre cette détermination, retirer la loi, ouvrir le débat scientifique et sociétal... et s’engager à en suivre les avis.
Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-983943,0.html