Une intervention au Congrès de l'UM2 par un élu doctorant.
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Le nouveau projet de contrat doctoral date du 10 mars.
Plusieurs choses :
1) L'existant, c'est-à-dire l'allocation de recherche, était déjà un contrat à durée déterminée entre l'état et l'étudiant inscrit en doctorat. Le fait de nommer un dispositif "contrat doctoral" n'en fait pas quelque chose de plus tangible.
2) Les disparités entre doctorants vont perdurer : le contrat doctoral n'est qu'une option mise à disposition des universités, en aucun cas une obligation (rappel de l'article premier : "les établissements publics (...) peuvent (...) recruter des étudiants inscrits en vue de la préparation d'un doctorat par un contrat dénommé "contrat doctoral". ") Les autres types de financement continueront d'exister (bourses CIFRE, bourses d'organismes, bourses CDD pour étudiants étrangers, bourses sur financements ANR, etc).
3) Le plus grave est que, dans le cadre de la loi LRU, les contrats doctoraux ne seront pas ventilés par le ministère sur les différentes écoles doctorales et les différents laboratoires, mais ils dépendront directement du budget des universités. Là encore, on assistera à de graves disparités entre universités "d'excellence" et "facs poubelles", les unes ayant suffisamment d'argent pour proposer des contrats doctoraux en nombre suffisant, les autres n'ayant pas les moyens de recruter des doctorants. Cette caractéristique essentielle empêchera les facultés sous-dotées de développer les activités de recherche en leur sein, ce qui dessine une spirale descendante dont elles ne sauront sortir. A terme, c'est l'extinction des activités en dehors des "pôles d'excellence".
3bis) Le fait que le financement sera directement pris sur le budget de l'université, et dépendra donc de la santé budgétaire courante de l'établissement, précarise de facto les doctorants : puisqu'on pourra "mettre fin de plein droit au contrat doctoral au terme de la première ou de la deuxième année du contrat" (article 3), les doctorants seront en première ligne lorsqu'il s'agira pour le chef d'établissement, portant les habits d'un chef d'entreprise, de réaliser des économies en période de vaches maigres (cf. la situation actuelle aux Etats-Unis, où certaines universités sont en grave difficulté à cause du tarissement des sources de financement privé, étant donné la crise économique actuelle).
4) Il faut noter que la version du 10 mars fait apparaître un fait nouveau et gravissime, à savoir la disparition totale de toute référence aux 64h équivalent TD, c'est-à-dire au tiers du service d'un enseignant-chercheur. La nouvelle référence est celle des 35h annualisées, id est 1607h.
5) L'article 5 du projet de décret est particulièrement nocif : il met directement à égalité les tâches d'enseignement "dans le cadre d'une équipe pédagogique" (le texte ne dit pas s'il s'agit d'enseignement dans le cadre d'un établissement public ou non, s'il s'agit de l'enseignement supérieur ou non, etc) et les "missions d'expertise effectuées dans une entreprise". Cette égalité apparaît clairement au plan syntaxique dans le projet de décret, et également au niveau des volumes horaires (un sixième de la durée effective du temps de travail issu de la loi sur les 35h, c'est-à-dire 268h annuelles), ce qui est gravissime. Contrairement à ce qu'avance la CJC, il n'existe aucun principe acté de conversion entre le volume horaire travaillé en entreprise et le volume horaire correspondant s'agissant de tâches d'enseignement (la CJC avance un rapport de 1 à 4 en se basant (?) sur des pratiques liées au dispositif des doctorants-conseil).
6) Ce projet de contrat doctoral s'inscrit dans le droit fil de la loi LRU, qui présidentialise le fonctionnement des universités : l'article 5 stipule que c'est "le président ou le directeur de l'établissement [qui] arrête le service du doctorant contractuel". Aucun libre arbitre n'est laissé au doctorant quant à la ventilation de ses activités entre activités de recherche, d'enseignement et de "valorisation/information/vulgarisation". Bien sûr, la version du 10 mars précise que cette ventilation des activités est signée en début de contrat et amendable par avenant en cours de contrat, mais le rapport hiérarchique est clair entre, d'un côté, celui qui devient à la fois l'employeur et le financeur, et, de l'autre côté, le doctorant : cela laisse le champ libre aux pressions exercées par l'un sur l'autre, sur le thème "c'est ça ou pas de contrat doctoral".
7) Enfin, le cadre mis en place pour le travail des doctorants en entreprise est clair : les "conventions entre l'établissement dont relève l'intéressé, le doctorant contractuel et l'établissement d'accueil" donneront lieu à une "contribution versée par l'établissement d'accueil au profit de l'établissement qui emploie l'intéressé" : c'est une version non dissimulée des partenariats public-privé (PPP) qui se trouvent au coeur de la loi LRU et contre lesquels nous nous battons.
Jean-Baka Domelevo Entfellner
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