mercredi 27 février 2008

Chère Catherine...

Avant de s'envoler prochainement vers d'autres destinées, Valérie Pécresse a envoyé à la direction du CNRS une lettre de mission précisant les grandes orientations et évolutions attendues de l'organisme. Copie ci-dessous.

A Mme Catherine Bréchignac
Présidente du CNRS

La Ministre

Paris, le 27 février 2008

Madame la Présidente, (manuscrit) Chère Catherine,

A la suite du discours prononcé le 28 janvier dernier par le Président de la République à l'université d'Orsay, je souhaite vous préciser la feuille de route qui est désormais fixée à votre organisme de recherche. Cette feuille de route s'inscrit dans la dynamique de moyen-long terme du plan stratégique du CNRS en cours d'élaboration et dans le cadre du contrat d'objectifs dont l'adoption est prévue avant la fin de l'année 2008.

Le CNRS est aujourd'hui le principal organisme de recherche en France. Généraliste, il couvre l'ensemble des champs de la connaissance scientifique. Opérateur de recherche, mais aussi agence de moyens, avec près de mille unités mixtes de recherche, le CNRS est le premier partenaire scientifique des universités et des grandes écoles.

Sa capacité d'organisation à grande échelle lui donne une responsabilité particulière, à côté d'autres organismes, dans la conception, la construction et la gestion des très grandes infrastructures de recherche.

La société attend donc de la part du CNRS, dont la place dans le contexte européen et international est reconnue, une contribution essentielle à l'effort de recherche de notre pays, à la hauteur de ses moyens et des compétences qu'il rassemble.

La modernisation en cours de notre système de recherche, initiée par la création de l'Agence Nationale de la Recherche en 2005 et amplifiée par les lois d'avril 2006 (loi de programme pour la recherche) et d'août 2007 (loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités), modifie l'environnement scientifique du CNRS et la nature même de ses partenariats, en créant les conditions de l'émergence d'universités plus autonomes. Le CNRS doit prendre en compte ces changements et adapter son positionnement global, dans le cadre d'une stratégie en harmonie avec le mouvement de modernisation ainsi lancé.

Dans ce nouveau contexte, vous me proposerez, en première priorité, les modalités d'une modernisation du partenariat du CNRS avec les universités, appelées, dans le cadre de l'autonomie, à devenir des acteurs moteurs de notre dispositif de recherche. Ce nouveau partenariat devra d'abord s'accompagner d'une simplification et d'une clarification de la gestion administrative et financière des unités mixtes de recherche, en lien avec les recommandations du groupe de travail présidé par M. François d'Aubert.

Vous devrez ensuite explorer, avec les autres organismes et les établissements d'enseignement supérieur, la possibilité de simplifier les tutelles des laboratoires en étudiant notamment la possibilité de limiter à deux le nombre des tutelles scientifiques, l'une à vocation nationale, l'autre locale. Le rôle du CNRS dans les orientations scientifiques et les modalités de financement récurrent et d'allocation d'autres ressources (équipements mi-lourds, personnels...) devront faire l'objet de discussions approfondies avec les universités, dans le cadre des nouvelles responsabilités qui seront progressivement les leurs.

Dans le cadre de ce nouveau partenariat, le CNRS devra aussi concourir avec les universités à l'émergence de Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur (PRES), visibles à l'échelle internationale, dont la loi d'avril 2006 a permis la création.

L'ensemble de ces objectifs implique une évolution de l'organisation interne de l'organisme. Afin d'améliorer la lisibilité et la prévisibilité de l'action du CNRS, vous réfléchirez à l'opportunité de substituer aux départements scientifiques actuels une structuration en grands instituts nationaux de recherche, dans l'esprit de l'INSU ou de l'IN2P3, favorisant les coopérations entre les divers acteurs et constituant un ensemble réactif placé sous la responsabilité de la direction générale du CNRS. Cette nouvelle structuration de l'établissement devra permettre une coordination à l'échelle nationale de la politique scientifique menée dans les laboratoires financés par le CNRS et une mise en cohérence de leurs demandes de moyens.

Vous appuierez votre politique scientifique sur l'évaluation de l'ensemble des unités mixtes ou propres du CNRS par l'AERES. Ceci vous conduira à repenser les missions de vos instances d'évaluation et à les articuler avec celles de l'AERES et du Conseil National des Universités.

Vous prêterez toute l'attention nécessaire aux liens qu'il convient de développer entre recherche et innovation, au service du développement économique et de la richesse de notre pays. Pour cela, la valorisation de la recherche et les transferts de technologie ont vocation à s'organiser de manière décentralisée, à s'incarner dans les territoires, en partenariat avec les universités et les écoles, dans une logique de proximité. Les PRES seront à cet égard des outils précieux. Vous participerez à l'émergence, dans chaque région ou ensemble de régions, d'un point de rencontre entre les porteurs d'innovations scientifiques et les porteurs de projets industriels et contribuerez à la structuration de pôles d'excellence de niveau mondial.

Enfin, le CNRS doit améliorer sa gestion des ressources humaines, dans l'esprit du nouveau partenariat qu'il développera avec les universités et les écoles. Sans remettre en cause le statut des chercheurs en activité et en maintenant un flux de recrutement de jeunes chercheurs propres au CNRS, vous rechercherez les moyens de favoriser une plus grande fluidité entre les corps de chercheurs et d'enseignants-chercheurs.

Dans le cadre du renouvellement des personnels des universités et du CNRS, vous vous attacherez à définir, dans le cadre de procédures communes, les conditions de recrutement d'une certaine proportion d'enseignants-chercheurs de haut niveau, qui consacreront pendant plusieurs années l'essentiel de leur activité à la recherche. Vous aurez également le souci d'une gestion concertée des personnels d'appui à la recherche au sein des unités.

Il serait souhaitable, qu'avant la négociation du contrat pluriannuel qui liera votre établissement à l'Etat, des perspectives prévisionnelles de recrutement, discipline par discipline, et par type d'emploi, puissent être élaborées. Elles sont en effet indispensables pour préparer au mieux le remplacement des nombreux départs en retraite que connaîtra votre organisme et traduire des priorités stratégiques de recherche clairement identifiées.

En tant qu'acteur national, le CNRS doit en effet promouvoir une gestion prévisionnelle des compétences et des métiers, au service de tous les acteurs de la recherche, et mobiliser ses personnels pour contribuer à l'excellence des formations universitaires. Sur ce dernier point, des conventions devront être établies entre le CNRS, les universités et les écoles.

L'ensemble de vos propositions sera discuté puis validé par la tutelle dans le cadre du plan stratégique que le CNRS doit adopter au premier semestre 2008. Ces évolutions importantes seront ensuite déclinées dans un contrat d'objectifs pluriannuel qui devra être adopté avant la fin de l'année 2008 et qui actera le soutien de l'Etat à votre contribution à la modernisation du système de recherche de notre pays.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l'expression de ma meilleure considération.

(manuscrit) Bien à vous,

Valérie Pécresse

(Télécharger le pdf).

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