Dans le cadre des lauréats 2009 du Conseil européen de la recherche,
Valérie Pécresse Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vous prie de bien vouloir assister au cocktail qui aura lieu le
22 octobre 2009 à 19 heures en salle Hubert Curien
21 rue Descartes – 75231 Paris Cedex 05
RSVP
Madame la Ministre,
Je vous remercie de votre invitation à participer au cocktail que vous organisez en l'honneur des lauréats du Conseil Européen de la Recherche (European Research Council, ERC), et qui aura lieu le 22 octobre.
Je ne participerai pas à ce cocktail dont un des objectifs est manifestement de célébrer les "arbres qui cachent la forêt", alors même que les réformes que vous mettez en œuvre déciment les arbres de ces mêmes forêts. Comment célébrer la qualité de la recherche française quand les discours officiels méprisent ouvertement les chercheurs? Si vous croyez, madame la Ministre, que la recherche n'avance que grâce à un nombre limité de chercheurs "excellents", j'ai le regret de vous dire que vous vous trompez: la recherche est, par essence, une œuvre collective, de longue haleine, dans laquelle tous les acteurs jouent un rôle fondamental, du technicien au chercheur primé. Le gouvernement auquel vous participez, et vous même, défendez une conception très hiérarchique, pyramidale de l'organisation de la recherche, où seuls ceux qui sont au sommet de la pyramide ont droit de cité. Il est facile de voir que même ceux qui, selon cette conception que je conteste, se tiennent au sommet de la pyramide n'y sont maintenus que par la masse de ceux qui sont au dessous, les "médiocres" (puisque non excellents) d'après vos critères. Supprimez ces "médiocres", et toute votre pyramide s'écroule, précipitant à terre les "excellents".
Depuis des siècles, les scientifiques se définissent comme des ``pairs'', c'est-à-dire des égaux, et la notion de hiérarchie, avec des "bons" et des "mauvais", n'a jamais fait partie du vocabulaire académique. C'est bien la sphère politique qui a introduit ces conceptions dans le monde de la recherche afin d'y appliquer un mode de gestion managerial et entreprenarial. Mais la recherche n'est pas, et ne doit pas devenir, une entreprise, car elle a pour but, non le profit, mais l’avancée de la connaissance pour le bien de l'Humanité.
Il me semble, Madame la Ministre, que vous, et bien d'autres au gouvernement, confondez les concepts d'excellence et d'élitisme. Il ne fait aucun doute, ni pour moi, ni pour l'immense majorité de mes collègues, que la recherche scientifique doit viser l'excellence, ne serait-ce que parce que nous sommes financés par des fonds publics issus de l'impôt, et que, plus que tout autre encore, cet argent doit être utilisé à bon escient pour de la recherche de haut niveau. D'ailleurs, et contrairement aux discours officiels, la recherche française n'a pas à rougir de sa qualité: l'exemple des "ERC Starting Grants" que vous voulez célébrer est de ce point de vue très informatif: la France se classe 2ème au niveau européen en terme de lauréats sur l'ensemble des disciplines, et première en sciences de la vie. Qui disait, le 22 janvier dernier, que la recherche française était de mauvaise qualité? Les experts européens disent en tous cas clairement le contraire.
Mais ce n'est pas l'excellence qui est promue aujourd'hui, c'est bien l'élitisme, ce qui est très différent. Dans cette conception élitiste, on fixe, arbitrairement, que seul un certain pourcentage de projets (ou de chercheurs, ou d'équipes etc...) doit être soutenu et financé. Qu'importe que ceux qui se trouvent juste en dessous de la barre soient, eux aussi, "excellents": ils ne sont pas assez excellents (vous m'accorderez que ce concept "d'excellents mais pas assez" est pour le moins "étrange") pour recevoir les lauriers de la gloire. Ils resteront donc sans financement, ou quasiment, et ne seront pas invités à vos "cocktails" de félicitations. Combien de projets de recherche, excellents, ont ainsi été retardés, voire abandonnés, faute de moyens?
Vous comprendrez donc, Madame la Ministre, que je ne peux pas accepter de jouer, pour vous, la vitrine étincelante d'une recherche que vos réformes méprisent. Je n'accepte pas que soit utilisée ma réussite, ponctuelle, pour faire oublier que la recherche française est mise à mal. Je ne peux accepter d'être utilisé pour promouvoir un élitisme qui entrave le développement de bon nombre de chercheurs et de projets excellents.
Cordialement,
Boris BURLE,
Je vous remercie de votre invitation à participer au cocktail que vous organisez en l'honneur des lauréats du Conseil Européen de la Recherche (European Research Council, ERC), et qui aura lieu le 22 octobre.
Je ne participerai pas à ce cocktail dont un des objectifs est manifestement de célébrer les "arbres qui cachent la forêt", alors même que les réformes que vous mettez en œuvre déciment les arbres de ces mêmes forêts. Comment célébrer la qualité de la recherche française quand les discours officiels méprisent ouvertement les chercheurs? Si vous croyez, madame la Ministre, que la recherche n'avance que grâce à un nombre limité de chercheurs "excellents", j'ai le regret de vous dire que vous vous trompez: la recherche est, par essence, une œuvre collective, de longue haleine, dans laquelle tous les acteurs jouent un rôle fondamental, du technicien au chercheur primé. Le gouvernement auquel vous participez, et vous même, défendez une conception très hiérarchique, pyramidale de l'organisation de la recherche, où seuls ceux qui sont au sommet de la pyramide ont droit de cité. Il est facile de voir que même ceux qui, selon cette conception que je conteste, se tiennent au sommet de la pyramide n'y sont maintenus que par la masse de ceux qui sont au dessous, les "médiocres" (puisque non excellents) d'après vos critères. Supprimez ces "médiocres", et toute votre pyramide s'écroule, précipitant à terre les "excellents".
Depuis des siècles, les scientifiques se définissent comme des ``pairs'', c'est-à-dire des égaux, et la notion de hiérarchie, avec des "bons" et des "mauvais", n'a jamais fait partie du vocabulaire académique. C'est bien la sphère politique qui a introduit ces conceptions dans le monde de la recherche afin d'y appliquer un mode de gestion managerial et entreprenarial. Mais la recherche n'est pas, et ne doit pas devenir, une entreprise, car elle a pour but, non le profit, mais l’avancée de la connaissance pour le bien de l'Humanité.
Il me semble, Madame la Ministre, que vous, et bien d'autres au gouvernement, confondez les concepts d'excellence et d'élitisme. Il ne fait aucun doute, ni pour moi, ni pour l'immense majorité de mes collègues, que la recherche scientifique doit viser l'excellence, ne serait-ce que parce que nous sommes financés par des fonds publics issus de l'impôt, et que, plus que tout autre encore, cet argent doit être utilisé à bon escient pour de la recherche de haut niveau. D'ailleurs, et contrairement aux discours officiels, la recherche française n'a pas à rougir de sa qualité: l'exemple des "ERC Starting Grants" que vous voulez célébrer est de ce point de vue très informatif: la France se classe 2ème au niveau européen en terme de lauréats sur l'ensemble des disciplines, et première en sciences de la vie. Qui disait, le 22 janvier dernier, que la recherche française était de mauvaise qualité? Les experts européens disent en tous cas clairement le contraire.
Mais ce n'est pas l'excellence qui est promue aujourd'hui, c'est bien l'élitisme, ce qui est très différent. Dans cette conception élitiste, on fixe, arbitrairement, que seul un certain pourcentage de projets (ou de chercheurs, ou d'équipes etc...) doit être soutenu et financé. Qu'importe que ceux qui se trouvent juste en dessous de la barre soient, eux aussi, "excellents": ils ne sont pas assez excellents (vous m'accorderez que ce concept "d'excellents mais pas assez" est pour le moins "étrange") pour recevoir les lauriers de la gloire. Ils resteront donc sans financement, ou quasiment, et ne seront pas invités à vos "cocktails" de félicitations. Combien de projets de recherche, excellents, ont ainsi été retardés, voire abandonnés, faute de moyens?
Vous comprendrez donc, Madame la Ministre, que je ne peux pas accepter de jouer, pour vous, la vitrine étincelante d'une recherche que vos réformes méprisent. Je n'accepte pas que soit utilisée ma réussite, ponctuelle, pour faire oublier que la recherche française est mise à mal. Je ne peux accepter d'être utilisé pour promouvoir un élitisme qui entrave le développement de bon nombre de chercheurs et de projets excellents.
Cordialement,
Boris BURLE,
Lauréat ERC Starting Grant,
Chercheur CNRS en Lutte, dans un Laboratoire en Lutte